Haïti-France : pour le bicentenaire de l’indépendance, Macron reconnaît « la force injuste de l'Histoire »

Publié : 18 avril 2025 à 12h11 par Radio Orient

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Le 17 avril 1825, une date que tous les Haïtiens connaissaient. Celle de leur indépendance de la France, mais aussi celle où commence une spirale de dette sans fin.

Port-au-Prince et Paris ont commémoré ce jeudi le bicentenaire d’une indemnité économique qui n’a d’égal que la dette mémorielle. 
Le prix de la liberté a été cher payé pour les Haïtiens, même si l’île a ouvert la voie de la décolonisation en se proclamant « Première république noire » indépendante de son colonisateur, la France, le 1er janvier 1803. 
Mis alors au ban des nations, le 17 avril 1825, sous la menace des canons de la flotte française, Haïti est contraint d’accepter de payer 150 millions de franc-or aux anciens propriétaires de terres et d'esclaves, en échange de la reconnaissance de son indépendance par le roi Charles X. Cette somme sera ramenée en 1838 à 90 millions.
L’ancienne colonie française, devenue pays le plus pauvre d’Amérique, traîne une dette colossale. Pour s’acquitter de son dû envers la France, le pays caribéen a dû emprunter à des taux élevés auprès de banques françaises – alors même que le cours du café, sa principale ressource, était en baisse. Ce qui a plombé son économie, empêchant toute stratégie de développement durable et plongeant le pays dans une instabilité politique chronique.
"Cette indemnisation a entravé durablement le processus de développement du jeune État, tant par ses mécanismes financiers que par le poids politique qu'elle charrie", explique l'économiste haïtien Pierre Benzico, interrogé par l'Agence France Presse.
Le règlement de cette "double dette s'étalera jusqu'en 1952.
Haïti, 12 millions d'habitants, est en proie depuis des décennies à l’insécurité et au règne des gangs qui contrôlent par la terreur environ 85% de la capitale, multipliant les exactions, les viols, les enlèvements et les pillages, selon les différents rapports des Nations unies.
Une dette mémorielle
Si les Haïtiens qualifient cette dette de « rançon », les autorités françaises, pour leur part, peu adeptes de la repentance, ont souvent rejeté une lecture trop manichéenne de l'Histoire, estimant que cela permet aux dirigeants haïtiens de s'exonérer de leurs responsabilités dans l'instabilité politique, la corruption et la perméabilité entre une certaine élite politique et le narcobanditisme.
Emmanuel Macron a reconnu ce jeudi "la force injuste de l'Histoire qui a frappé Haïti dès sa naissance" et a "pesé" sur son "destin". Il a annoncé la création d’une commission franco-haïtienne d'historiens qui va étudier "l'impact" sur Haïti de la "très lourde indemnité financière" imposée par la France à son ex-colonie il y a 200 ans, et faire des "recommandations". Il n'évoque toutefois pas, à ce stade, une éventuelle réparation financière, telle que réclamée par les autorités haïtiennes.
Mercredi, l'Élysée avait assuré que le chef de l'État tirerait "toutes les conclusions" à l'issue de ce travail de mémoire.