Sanglante contre-attaque de Boko Haram après l'offensive tchadienne au Nigeria
4 février 2015 à 17h12 par La rédaction
Les islamistes de Boko Haram ont lancé mercredi une contre-attaque meurtrière au Cameroun, tuant des dizaines de civils et incendiant la grande mosquée de la ville de Fotokol avant d'être repoussées par les soldats camerounais et l'armée tchadienne.
La veille, lançant sa première offensive terrestre sur le sol du Nigeria, l'armée tchadienne avait chassé les islamistes de la ville frontalière de Gamboru (voisine de Fotokol), tuant 200 insurgés, selon son état-major.
Mercredi vers cinq heures (04H00 GMT), de nombreux islamistes partis de Gamboru et de petits villages nigérians frontaliers du Cameroun ont attaqué Fotokol, entrant dans des maisons et dans des mosquées, selon des sources sécuritaires camerounaises. Pendant qu'à Gamboru, séparée de Fotokol par un grand pont surplombant la rivière frontalière, l'armée tchadienne ratissait les quartiers, à la recherche d'islamistes embusqués.
"Je connais au moins dix personnes qui ont été tuées. Il y a parmi elles deux de mes amis, deux frères", a témoigné sous couvert d'anonymat un habitant originaire de Fotokol réfugié dans une autre localité de la région. "Ils (Boko Haram) ont égorgé des gens, dont le grand marabout de la mosquée. Ils ont brûlé des maisons et la grande mosquée".
"Boko Haram a fait vraiment beaucoup de dégâts ici ce matin. Ils ont tué des dizaines de personnes, au moins 20 à la grande mosquée", a assuré un autre habitant, Umar Babakalli, ajoutant: "dans une autre mosquée, aucun fidèle n'a pu s'échapper".
Mardi, l'armée tchadienne avait lancé son offensive terrestre au Nigeria depuis Fotokol après de violents bombardements aériens et d'artillerie sur Gamboru, dévastée par les combats et totalement désertée par la population.
Ces combats ont fait neuf morts et 21 blessés côté tchadien et "plus de 200" dans les rangs de Boko Haram, selon l'état-major tchadien.
Les attaques incessantes ces dernières semaines de Boko Haram, qui étend son emprise dans le nord-est du Nigeria, menaçant de plus en plus l'équilibre régional en pesant sur les frontières du Cameroun, du Niger et du Tchad, ont entraîné la réaction militaire de N'Djamena, soucieuse d'empêcher des infiltrations de jihadistes sur son sol.
"Quand les Tchadiens sont entrés (mardi) à Gamboru, les Boko Haram qui se trouvaient dans cette ville et dans certains villages ont contourné pour se retrouver ce matin à Fotokol", a-t-on expliqué de source sécuritaire camerounaise.
Des troupes tchadiennes ont retraversé la frontière mercredi pour venir épauler les forces camerounaises et les tirs ont progressivement cessé en milieu de matinée, a constaté un journaliste de l'AFP.
Un pont de 500 mètres sépare Fotokol de Gamboru. Et à partir de certains villages frontaliers nigérians situés près de Gamboru, il est possible d'entrer aisément à Fotokol.
De nombreux islamistes étaient présents depuis des mois dans ces villages nigérians. Jusqu'à présent, leurs diverses tentatives d'incursion à Fotokol ont toujours été repoussées.
Mardi, l'aviation tchadienne avait pilonné les positions des islamistes à Gamboru. Des combats au sol ont opposé islamistes nigérians et soldats tchadiens, mais ces derniers ont pris le dessus et ont pu entrer dans la ville nigériane où ils ont passé leur première nuit en territoire nigérian.
L'armée nigériane, incapable d'enrayer seule l'expansion militaire de Boko Haram, a déclaré mardi que la présence de troupes tchadiennes ne remettait pas en cause "l'intégrité territoriale du Nigeria", à dix jours de l'élection présidentielle. Le chef de l'Etat Goodluck Jonathan vise un nouveau mandat dans un pays miné par les attentats et les attaques de Boko Haram.
Les Tchadiens, venus pallier l'inefficacité de l'armée nigériane, ont aussi fait mouvement par une autre "entrée" au Nigeria, et massé des troupes soutenues par 4 à 500 véhicules, selon différents témoignages, à la frontière entre le Niger et le Nigeria, à proximité immédiate de bastions de Boko Haram.
N'Djamena n'a pas confirmé officiellement ce mouvement de troupes au Niger. Il pourrait annoncer une attaque imminente sur Malam Fatori, contrôlée par Boko Haram et située de l'autre côté de la rivière frontalière. Les combattants islamistes ont pris position sur la rive nigériane et sont équipés de batteries anti-aériennes montées sur des pick-up, selon des témoignages.
Paris, très présent dans la zone sahélienne avec l'opération militaire Barkhane basée à N'Djamena, soutient l'action tchadienne avec des missions de reconnaissance aériennes au-dessus du Tchad et du Cameroun, ont indiqué mardi des sources officielles françaises, précisant que du renseignement était délivré à ces pays largement impliqués dans la lutte contre Boko Haram.
L'insurrection de Boko Haram, qui prône l'instauration d'un islamisme radical et s'associe aux idées d'Al-Qaïda et de l'Etat islamique, a fait plus de 13.000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria depuis 2009.
AFP