Maroc médiéval et contemporain : deux expositions à Paris sur fond de tension avec Rabat

16 octobre 2014 à 19h29 par La rédaction

RADIO ORIENT

Maroc médiéval au Louvre,Maroc contemporain à l'Institut du monde arabe : deux expositions dédiées au royaume chérifien et placées sous le signe d'un Islam modéré s'ouvrent à Paris dans un contexte de tension diplomatique entre les deux pays.

 

D'un côté, un voyage au coeur de l'Occident islamique à son apogée culturel et politique entre la fin du VIIIe siècle et la fin du XVe (du 17 octobre au 19 janvier), de l'autre un panorama de la scène artistique marocaine actuelle (jusqu'au 15 janvier 2015).

 

Dans les deux événements, le même souci de montrer comment une certaine ouverture religieuse et intellectuelle s'inscrit dans la tradition marocaine. A l'image du préambule de la constitution du royaume, affichée sur le parvis de l'Institut du Monde Arabe (IMA), à quelques pas d'une grande tente berbère adaptée au climat parisien. Il y est affirmé que l'unité du pays, "forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen".

 

Mehdi Qotbi, président de la Fondation nationale des muséesmarocains, coorganisatrice de l'exposition avec le musée du Louvre, évoque aussi "la brillante période durant laquelle Musulmans, Juifs et Chrétiens ont oeuvré ensemble à l'avènement d'un véritable âge d'or".

 

L'exposition du Louvre parcourt l'histoire des grandes dynasties arabo-berbères - notamment les Almoravides et les Almohades - qui ont unifié un immense territoire du Mali à l'Andalousie, et développé les villes de Fez, Cordoue, Séville, Marrakech ou Rabat.

 

Des pièces exceptionnelles, certaines provenant de grandes mosquées, ont été transportées en France, parfois au prix de lourdes difficultés techniques, comme le lustre de la mosquée al-Qarawiyyin de Fès, un autre fabriqué à partir d'une cloche chrétienne, plusieurs minbars (chaire) sculptés et de nombreux éléments d'architecture.

 

Autres trésors, de somptueux corans calligraphiés et enluminés, mais aussi une remarquable chasuble de prêtre en soie conservée à la basilique Saint-Sernin et fabriquée à Almeria, ou encore un manuscrit de la Mishne Tora du grand docteur juif Maimonide, né à Cordoue et qui vécut à Fès avant de devoir s'exiler en Egypte.

 

Sont également exposées des lettres en arabe adressées par le califat à des marchands de Pise. "Nous avons découvert dans nos archives des correspondances avec le Saint-Siège en pleine croisade", explique Bahija Simou, commissaire de l'exposition avec Yannick Linz, directrice du département des Arts de l'Islam au Louvre.

 

C'est aussi un Maroc multiple et foisonnant qui se déploie à l'IMA dans la sélection de 80 créateurs contemporains réalisée par Jean-Hubert Martin et Moulim El Aroussi.

 

"Il y a une exception marocaine par sa créativité, son effervescence, son bouillonnement", dit à l'AFP le président de l'IMA Jack Lang, soulignant que Jean-Hubert Martin "a sillonné le Maroc de part en part".

 

Pour Jean-Hubert Martin, la scène artistique marocaine "est une des plus ouvertes de la région", même si "il n'y a pas d'oeuvres provocatrices", les artistes jouant plutôt sur la "subtilité, l'humour".

 

Corps, religion, Printemps arabe...., les thématiques permettent de découvrir des artistes très divers, tels Farid Belkahia, récemment décédé, qui revisitait les techniques traditionnelles (pigments naturels sur peau) dans des oeuvres à forte composante érotique, ou Farid Benohoud, dont les photos questionnent l'identité marocaine, ou encore Najia Mehadji dont les images sont inspirées par les danses soufies.

 

Les deux expositions ouvrent leurs portes alors que les relations entre la France et le Maroc se sont dégradées ces derniers mois sur fond de contentieux judiciaire.

 

En inaugurant mardi "Le Maroc contemporain", le président François Hollande a affirmé sa volonté de "dépasser toutes les difficultés" entre Rabat et Paris.

 

"Je veux que nos deux pays non seulement demeurent des partenaires d'exception mais puissent encore davantage coopérer dans tous les domaines", a-t-il ajouté au côté de la princesse Lalla Meryem, soeur du roi du Maroc Mohammed VI qu'elle représentait pour l'occasion.

 

Les relations entre Rabat et Paris sont extrêmement tendues depuis le dépôt en France en février dernier de plaintes pour torture à l'encontre de hauts responsables marocains, notamment le patron du contre-espionnage, Abdelattif Hammouchi.

 

AFP