Maroc: le PJD islamiste attendu au tournant dans la lutte anticorruption

31 janvier 2015 à 10h30 par La rédaction

RADIO ORIENT
Trois ans après les promesses du gouvernement marocain dirigé par les islamistes, une "stratégie nationale" de lutte contre la corruption endémique commence tout juste à être élaborée, à l'approche de nouvelles échéances électorales.

 

Vainqueur historique des législatives de fin 2011 dans le contexte du Printemps arabe, le parti islamiste Justice et développement (PJD) avait fait de la lutte contre ce phénomène, qui gangrène la société marocaine, son cheval de bataille, à l'unisson des nombreux slogans scandés à l'époque par les manifestants du mouvement pro-réformes du 20-Février.

 

Attendue de longue date, la "stratégie nationale de lutte contre la corruption" a, pour la première fois, été discutée mi-janvier par le conseil du gouvernement. Mais ses contours n'ont pas encore été révélés, alors que les échéances électorales approchent à grand pas: scrutins locaux à l'été 2015 puis législatives l'an prochain.

 

Elaborée en concertation avec la société civile, cette stratégie devrait couvrir un volet coercitif, mais aussi un aspect de sensibilisation pour barrer la route au "bakchich", ont avancé des médias locaux.

 

Abdelilah Benkirane, qui remettra en jeu son poste de chef du gouvernement en 2016, se sait attendu sur cette question. En janvier, le patron du PJD, toujours relativement populaire, a reconnu en public que le gouvernement n'avait "pas pu lutter contre la corruption de la manière souhaitée".

 

Il a toutefois réaffirmé dans un communiqué l'importance de ce combat, relevant que la corruption amputait le pays de quelque deux points de PIB.

 

La période semble propice à l'action: ces dernières semaines, plusieurs affaires ont été médiatisées, sur fond d'exaspération dans l'opinion.

 

 
- 'Flagrant délit' -
 

 

Au début du mois, dix gendarmes et 15 policiers ont été arrêtés après avoir été filmés, à leur insu, par des citoyens. Les premiers jugements ont donné lieu à des peines de six mois de prison ferme.

 

Fin janvier, deux agents de police de Casablanca, la capitale économique, ont été promus pour avoir refusé un pot-de-vin de 100.000 dirhams (plus de 9.000 euros) proposé par un trafiquant de drogue.

 

Des affaires ont également touché le secteur de la justice, pour lequel un projet de réforme est en cours.

Il y a deux semaines, un juge a été arrêté à Marrakech en flagrant délit, avec sur lui un pot-de-vin de près de 8.000 euros. En octobre, un autre juge avait lui aussi été condamné pour corruption. Mais la sentence --deux ans avec sursis-- symbolise la relative timidité, à ce jour, de cette lutte.

 

Le combat contre la corruption "avance, mais lentement", a récemment fait valoir le président de l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC, officiel), Abdeslam Aboudrar, d'après qui il faudra "10 ans" au Maroc "pour parvenir aux standards internationaux".

 

La constitution de 2011, élaborée en réponse aux manifestations de rue, prévoit notamment la transformation de l'ICPC en une nouvelle instance aux prérogatives élargies. Mais ce texte n'a pas encore été adopté par le Parlement.

 

S'il reconnaît les difficultés, le gouvernement souligne les avancées du royaume dans les classements internationaux, dont un "gain de 11 points" (de la 91e à la 80e place) en 2014 dans celui de l'ONG Transparency International.

 

En 2012, pour afficher sa bonne volonté en matière de lutte contre la corruption, il avait fait diffuser des clips TV et radio condamanant ce phénomène. Une des images montrait par exemple des billets de banque circulant d'une main à une autre, avec un panneau d'interdiction dessus.

 

Mais pour le président de Transparency Maroc, Abdeslam Sadok, le bilan des efforts du gouvernement est "plus que modeste".

 

Le principal problème consiste toujours, selon lui, en un "manque de volonté politique", illustré par des projets désormais "en deçà des ambitions" initiales.

 

AFP