Le Hajj, espoir de sortie pour des Syriens demandeurs d'asile

3 octobre 2014 à 13h39 par La rédaction

RADIO ORIENT

Exhibant avec fierté la prothèse de sa jambe, Abdelkarim al-Nasif, un rebelle syrien, enveloppé du drapeau national, affirme avoir eu la chance de venir au hajj en Arabie saoudite où il espère soigner sa deuxième jambe blessée dans la guerre et trouver refuge.

 

Ce barbu de 36 ans, ancien homme d'affaires de la région d'Alep blessé aux deux jambes dans des combats en Syrie, a effectué une partie du voyage dans une brouette, en passant par la Turquie.

 

"Je suis venu accomplir le Hajj et soigner cette jambe", explique-t-il, soulevant sa robe blanche pour dévoiler sa seconde jambe, gravement blessée.

 

"J'ai essayé de venir en Arabie Saoudite par tous les moyens, pour ne pas perdre mes deux jambes", ajoute l'ex-rebelle, parlant avec fierté de son passé de combattant, en dépit de la douleur.

 

Abdelkarim al-Nasif a rejoint la rébellion contre le régime du président Bachar al-Assad dès ses débuts, au printemps 2011. Depuis, le conflit syrien a coûté la vie à 191.000 personnes.

 

"J'ai participé à plusieurs combats, et j'ai été blessé le 30 août 2012", raconte-t-il. "Je ne regrette rien. On a a réalisé quelque chose pour les prochaines générations".

 

Mais désormais, il veut rester en Arabie Saoudite.

 

Quelque 12.000 Syriens, dont 6.000 venus de l'intérieur du pays, sont parvenus à arriver en Arabie saoudite pour le Hajj, selon Mohammed Ismaïl Ahmed, responsable d'un groupe de 800 pèlerins. Parmi eux, beaucoup espèrent y commencer une nouvelle vie.

 

- Nulle part où aller -

 

Ahmed Orabi, un ingénieur de 45 ans, a fui Hama, en Syrie, avec toute sa famille, après que sa maison a été bombardée.

 

La première étape fut la Turquie, avant de fuir à nouveau, en bateau, vers la Grèce.

 

Là, "nous avons passé un mois à essayer de partir vers la Suède, ou n'importe quel autre pays sûr. Nous n'avons pas réussi, alors on a vendu tout ce qu'on avait et on est retourné en Turquie", indique ce père de sept enfants.

 

Mais pour renouveler leur permis de séjour en Turquie, chaque membre de la famille était tenu de payer l'équivalent de 2.400 euros.

 

"Je n'avais pas cet argent et avec le peu qui me restait j'ai pris des billets pour le Hajj", dit-il. "Nous espérons que les autorités vont nous permettre de rester, parce qu'on a nulle part où aller".

 

La route vers le Hajj n'a pas été aisée pour les Syriens, dont beaucoup ont dû verser 2.000 dollars au Conseil national syrien (la coalition de l'opposition).

 

A cela s'est ajoutée la difficulté "d'obtenir un document de voyage valide", soupire Ahmed Orabi, affirmant cependant que l'Arabie saoudite avait fait une exception en acceptant des documents de voyage expirés, ou dont la validité avait été prolongée avec l'aide du CNS.

 

Pour ceux qui ont pu obtenir ce document, la traversée de la frontière avec la Turquie a été rude. "Il n'y avait aucun moyen de transport et beaucoup de malades et de handicapés, et tout le monde a dû marcher", raconte Mohammed Ismaïl Ahmed.

 

Enfin, une fois arrivés à La Mecque, la déconvenue a été dure pour beaucoup des pèlerins, qui se sont plaints des mauvaises conditions de séjour, logés à 6 par chambre, parfois sans assez de matelas.

 

Mais cela n'entame en rien le désir de M. Orabi de rester là. "Je me fiche de vivre au milieu du désert, j'ai juste besoin d'un pays sûr".

 

Le rêve de ces Syriens de rester en Arabie saoudite risque pourtant de se briser sur la politique du royaume qui, s'il fournit une assistance humanitaire aux réfugiés syriens, n'en a accepté aucun sur son sol.

 

AFP