La déchéance de nationalité sème la zizanie, son vote à l'Assemblée incertain
3 février 2016 à 20h39 par La rédaction
A l'approche des débats à l'Assemblée sur le projet de révision constitutionnelle, la déchéance de nationalité n'en finit plus de semer la zizanie à gauche, mais aussi à droite, à tel point que des voix s'élèvent pour conseiller à François Hollande d'y renoncer. Ce feuilleton, "qu'on vit par demi-journée" selon un ténor de la majorité, désespère nombre de parlementaires socialistes pour qui l'exécutif, en chute libre dans les sondages, s'est embourbé dans un sujet qui ne passionne pas les Français. En cause encore et toujours, l'application possible de la déchéance de nationalité pour délits et crimes terroristes aux seuls Français binationaux, comme l'a proposé initialement François Hollande et comme l'a aussi réclamé Nicolas Sarkozy. Si l'exécutif a accepté de retirer dans l'article 2 du projet de loi de révision constitutionnelle toute référence à la binationalité, celle-ci, déjà à l'origine de la démission de Christiane Taubira, reste indirectement présente dans l'avant-projet de loi d'application qui mettra en oeuvre cette déchéance. Dans cet avant-projet, il est précisé que la déchéance ne peut avoir "pour résultat de rendre la personne condamnée apatride", ce qui revient à dire que la déchéance ne peut de facto s'appliquer qu'aux binationaux. Mardi matin, le groupe PS de l'Assemblée a exigé du gouvernement la suppression de ce passage sur l'interdiction de l'apatridie qui "renvoie forcément à la binationalité", selon son président Bruno Le Roux. "L'essentiel pour les députés PS, c'est qu'il n'y ait pas de discrimination. La majorité des socialistes n'en a rien à foutre de créer trois cas d'apatride", résume l'un d'eux. Mais mercredi midi le compte-rendu du Conseil des ministres est resté muet sur ce point précis. "C'est le Premier ministre qui présentera de manière définitive et au moment du début des débats (vendredi) ce que présentera l'exécutif", s'est contenté d'affirmer le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll. De nombreux députés PS restent cependant opposés au principe même de l'inscription de la déchéance de nationalité (qui existe déjà dans le code civil) dans la Constitution et ont déposé des amendements notamment pour une "déchéance nationale" qui priverait les personnes condamnées de nombreux droits sans leur ôter la nationalité. Cet amendement porté par Olivier Faure a été cosigné par 78 députés, soit plus d'un quart du groupe. - Arrière-pensées présidentielles - De plus en plus de doutes s'élèvent sur la possibilité d'obtenir un vote conforme de l'Assemblée et du Sénat sur le projet de révision constitutionnelle, et dans la foulée une majorité des trois cinquièmes au Congrès. Benoît Hamon (aile gauche du PS) a ainsi "conseillé au président de la République de retirer cet article qui crée de la discorde" du projet de loi pour s'en tenir à l'article 1, celui qui "constitutionnalise" l'état d'urgence. "L'unité nationale, ça ne se résume pas à un accord entre Nicolas Sarkozy et François Hollande", a-t-il jugé. Même recommandation de l'autre côté de l'échiquier, de la part président du Sénat Gérard Larcher: "Si vous n'arrivez pas à trouver à gauche le soutien à votre proposition, il vaut mieux qu'on arrête là", a-t-il lancé au chef de l'Etat sur RTL. Il faut dire que cette affaire divise maintenant presqu'autant la droite, avec des arrière-pensées sur la primaire. Si la réforme reste vivement défendue par les sarkozystes, comme Laurent Wauquiez qui se dit "ahuri par le débat", l'ex-Premier ministre François Fillon s'est prononcé contre mardi, rejoignant ainsi des députés comme Nathalie Kosciusko-Morizet, Hervé Mariton, Patrick Devedjian, ou le juppéiste Edouard Philippe. Et des proches de Bruno Le Maire s'interrogent. "Nous étions une vingtaine au départ. Depuis le cercle s'est largement élargi. On a plus que triplé, je pense", a estimé mercredi NKM, "conseillant" également à François Hollande de "retirer" cette proposition. De plus en plus de parlementaires LR "se disent que cette réforme de la Constitution fait trop tripatouillage" et "estiment qu'Hollande et Sarkozy se font la courte échelle pour se rendre service", résume l'un d'eux. AFP