La crise migratoire menace-t-elle la liberté de circuler en Europe ?

2 septembre 2015 à 13h45 par La rédaction

RADIO ORIENT
La crise migratoire menace-t-elle la liberté de mouvement en Europe ? Les réponses en ordre dispersé des Européens face à l'afflux spectaculaire de migrants font brandir à certains l'effondrement de l'espace Schengen qui a instauré la libre circulation dans l'UE.Fréquemment agité par les partis europhobes sur leur scène nationale, le scénario d'une fin de cette vaste zone de 26 pays (dont 22 des 28 membres de l'UE) a même été évoqué par la chancelière allemande Angela Merkel, qui appelle de son côté à un sursaut pour l'éviter."Si on n'arrive pas à une répartition équitable (des réfugiés en Europe) alors la question de (l'avenir de la zone de libre-circulation) Schengen se posera. Nous ne voulons pas ça", a affirmé lundi Mme Merkel.Si on en arrivait là, "ce ne sera plus l'Europe dont nous devons toujours aujourd'hui développer le mythe fondateur", a prévenu la chancelière, dont le pays a cessé de renvoyer les demandeurs d'asile syriens vers leur pays d'entrée dans l'Union.Alors que l'Italie, la Grèce ou encore la Hongrie, débordée ces derniers jours par l'afflux de demandeurs d'asile dans ses gares pour gagner l'Allemagne, laissent désormais passer les migrants en transit, plusieurs Etats membres sont tentés de reprendre le contrôle de leurs frontières."Ce qui est en danger, c'est l'un des piliers fondamentaux de l'UE, la liberté de circulation des personnes", a averti il y a quelques jours le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, craignant lui aussi la remise en cause de Schengen et un "retour aux vieilles frontières"."Les migrants n'arrivent pas en Grèce, en Italie ou en Hongrie. Ils arrivent en Europe", a-t-il souligné, appelant les Européens à davantage de solidarité.Pour la Commission européenne, "on ne peut jamais exclure de prochaines modifications nécessaires" des règles de la libre circulation, comme cela s'est déjà fait, mais "ce principe reste le même", a insisté mardi une porte-parole, Natasha Bertaud.La Commission ne désespère pas en revanche d'arriver à une modification dans les prochains mois d'un autre accord, celui de Dublin (2003), qui fait reposer sur l'Etat d'entrée dans l'UE la responsabilité de prendre en charge un migrant, et plaide pour un "mécanisme permanent" afin de répartir équitablement les demandeurs d'asile en cas d'urgence.- 'Epouvantail politique' -Schengen est "l'un des plus grands succès" de l'UE, a estimé Natasha Bertaud, exhortant tous les Etats à respecter les règles pour que le système puisse fonctionner correctement.La Commission a déjà ouvert une trentaine de procédures d'infraction d'Etats membres et des lettres d'avertissement ont été envoyées cette semaine à certains. Parallèlement, elle a offert son aide mardi à la Hongrie, dont elle reconnaît la situation "grave et urgente".La sortie de Schengen, "c'est un épouvantail pratique d'un point de vue politique" alors que cet accord "a apporté des bénéfices économiques considérables à l'Europe", souligne Marc Pierini, chercheur au centre Carnegie Europe, interrogé par l'AFP."La vraie solution, ce serait d'avoir une politique d'asile commune claire et annoncée, de créer des corridors et des camps de transit où serait attribué le statut de réfugié", à condition qu'il y ait un accord entre pays sur la répartition de ces réfugiés, selon M. Pierini."Si on n'arrive pas à ça, les gouvernements vont rester sous la pression politique des populistes dans les Etats membres", avance-t-il.Pour Matthieu Tardis, spécialiste des migrations à l'Ifri (Institut français des relations internationales), la remise en cause de Schengen "est un risque, parce que chaque Etat membre traite cette question de manière très nationale, en fonction de son opinion publique"."Ce qui apparait de manière assez flagrante ces derniers mois, c'est l'absence de confiance mutuelle entre les Etats européens", observe le chercheur, traçant un parallèle avec la crise grecque qui a opposé "des pays du Nord reprochant aux pays du Sud de ne pas faire leur travail et des pays du Sud qui considèrent que le système est injuste"."C'est aux responsables européens de montrer que la liberté de circulation est essentielle pour l'UE", plaide M. Tardis.AFP