Inquiets du risque jihadiste, les Français boudent les vacances au Maghreb

9 octobre 2014 à 17h54 par La rédaction

RADIO ORIENT
Inquiets des menaces jihadistes, les Français boudent les vacances vers les pays du Maghreb, après la décapitation d'un otage français en Algérie et l'appel à la vigilance des autorités, les touristes préférant des destinations jugées plus sûres selon les professionnels.

 

A l'approche de vacances scolaires d'automne, les réservations sont en chute libre en particulier pour la Tunisie et le Maroc, deux des pays qui accueillent traditionnellement le plus de Français.

 

"Les clients disent +j'ai peur, je ne veux pas y aller+ et les opérateurs enregistrent entre 15% et 50% d'annulations sur les pays du Maghreb", souligne René-Marc Chikli, président du syndicat des voyagistes (Seto), qui regroupe 70 membres.

 

Les membres de ce syndicat font d'habitude partir environ 150.000 clients aux vacances de Toussaint, dont 100.000 au Maghreb, selon M. Chikli.

 

Mais la donne a changé depuis l'exécution fin septembre d'un guide de haute montagne français, Hervé Gourdel, en représailles à l'engagement de la France aux côtés des Etats-Unis dans les frappes aériennes contre le groupe Etat islamique (EI) en Irak et Syrie, et l'appel du ministère français des Affaires étrangères à la vigilance dans 40 pays, dont la Tunisie et le Maroc.

 

"Il va probablement nous manquer 20.000 à 25.000 clients sur ces destinations", calcule M. Chikli.

 

Sur le site internet Easyvoyage, la part des voyages d'octobre-novembre vers la Tunisie, le Maroc, mais aussi l'Egypte et la Turquie a fondu de moitié sur un an, de 24 à 12%.

 

La réaction a été "épidermique" juste après la décapitation d'Hervé Gourdel, dit le directeur du marketing de Transat France, Serge Laurens: "les ventes vers le Maroc et la Tunisie ont chuté de 50% dans les jours suivants. Mais depuis 3-4 jours, ça remonte".

 

Du côté des agences de voyage, le syndicat qui les représente (Snav) a enregistré "15% d'annulations effectives vers la Tunisie et le Maroc, et un peu vers la Turquie", selon son président Jean-Pierre Mas.

 

Les clients se reportent vers d'autres destinations: Italie, Espagne, Canaries, Grèce...

 

Les pays musulmans lointains tels que la Tanzanie ou l'Indonésie sont, eux, épargnés par la vague d'inquiétude.- Des craintes parfois "irrationnelles" -

 

Les professionnels déplorent des craintes parfois "irrationnelles".

 

"On a eu la situation absurde d'un monsieur qui a annulé son voyage en Australie parce qu'il faisait un stop à Dubaï avec Emirates", alors que les autorités françaises ont appelé leurs ressortissants à une "vigilance normale" dans les Emirats arabes unis, tempête Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde.

 

Le gérant d'une agence parisienne, "Les Voyages de Thybus", Laurent Conseil, témoigne d'une "inquiétude de la clientèle au sens large concernant l'Afrique, liée au terrorisme mais aussi à Ebola".

 

Et d'ajouter: "La question que nous posent nos clients en ce moment, c'est +où aller pour être tranquille ?+ On les oriente souvent vers des croisières".

 

Concernant les 40 pays où les Français sont appelés à la vigilance, nombre de professionnels dénoncent un "effet Quai d'Orsay" négatif: une communication "maladroite" autour du risque islamiste, qui a fait "paniquer" les clients.

 

Dans une tribune, le patron du réseau d'agences TourCom, Richard Vainopoulos, ironisait récemment en suggérant qu'"on ajoute à cette liste les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France" puisqu'ils sont "leaders de la coalition" contre l'organisation Etat islamique.

 

Dans les faits, "personne n'a jamais dit qu'il ne fallait plus aller en Tunisie ou au Maroc", remarque M. Chikli, en appelant à une clarification des choses.

 

A Rabat, on assure que "le Maroc reste une destination sûre". Dans le domaine sécuritaire, "la meilleure défense, c'est le rejet du terrorisme au sein de la population", ce qui est le cas du Maroc, dit-on en substance à Rabat.

 

Egypte et Tunisie se battent aussi de leur côté pour rassurer les touristes.

 

Mais le manque à gagner sur le Maghreb aura un coût pour les opérateurs français et encore davantage pour les destinations boudées.

 

AFP