Gaz : la découverte géante d'ENI en Egypte rebat les cartes

15 septembre 2015 à 17h23 par La rédaction

RADIO ORIENT

Le gisement géant permettra à l'Egypte d'assurer ses besoins pendant des décennies.

 

La découverte change la donne pour les pays de la zone, voire au-delà.

 

Il faudra plusieurs années pour en évaluer toutes les conséquences, mais une chose est sûre, la découverte de gaz, annoncée fin août par ENI en Egypte, va changer la donne sur les marchés gaziers. Il s'agit, selon le groupe italien, «  de la plus grosse découverte de gaz en mer Méditerranée ». Elle pourrait même devenir «  l'une des plus grosses au monde », car le groupe a également évoqué un deuxième réservoir, plus profond, qu'il doit encore évaluer.

 

Situé à plus de 4.000 mètres de profondeur totale, le gisement Zohr recèlerait à lui seul 850 milliards de mètres cubes de gaz « en place » et représenterait, selon le PDG d'ENI, Claudio Descalzi, une production de 70 à 80 millions de mètres cubes par jour. De quoi assurer les besoins de l'Egypte pendant «  plusieurs décennies » - même si certains ne manquent pas de rappeler que ces estimations doivent encore être confirmées. «  Elles ne sont basées que sur un puits d'exploration », rappelle un bon connaisseur du secteur, évoquant l'exemple de la Guyane française, où les espoirs immenses nés après une première découverte ont été déçus par la suite.

 

Développement accéléré

 

Si elle est confirmée, cette découverte bouleversera, d'abord, les équilibres autour de la Méditerranée. «  Pour ENI, elle est d'autant plus intéressante que Zohr se situe à proximité d'infrastructures existantes et sous-utilisées, relève Anne Pumir, analyste chez Natixis. Il sera donc possible de développer le gisement rapidement et à moindres coûts. » De nouveaux forages sont prévus dès 2016, et le gouvernement égyptien a évoqué un démarrage de la production en 2017. En bénéficiant d'un développement accéléré, le gisement pourrait produire à plein d'ici à trois ou quatre ans.

 

«  L'Egypte, qui autrefois exportait du gaz, est devenue importatrice depuis quelques années. Avec cette découverte, elle pourrait à nouveau satisfaire ses besoins nationaux », indique Francis Perrin, président de Stratégies et Politiques Energétiques. Cette découverte intervient en outre quelques mois après l'annonce, en mars, de la décision de BP d'investir dans le développement de deux autres blocs gaziers (North Alexandria et West Mediterranean Deepwater) pour 12 milliards de dollars.

 
 

C'est en revanche une moins bonne nouvelle pour Israël, où ont aussi été découverts, à la fin des années 1990, des gisements géants en Méditerranée (Leviathan et Tamar), par l'américain Noble Energy associé à l'israélien Delek. «  Israël a ouvert un débat, qui dure, sur la question d'exporter ce gaz. Si l'Egypte n'importe plus de gaz, un marché évident pourrait disparaître », souligne Francis Perrin. Israël devra trouver de nouveaux débouchés, qu'il pourrait chercher... en Europe. «  Le gaz de la Méditerranée pourrait intéresser l'Union européenne, au moment où elle cherche à diversifier ses approvisionnements et à réduire sa dépendance de la Russie », poursuit l'expert. Membre de l'UE, Chypre, qui a également bénéficié d'une découverte importante dans la zone (le gisement Aphrodite), a déjà fait valoir ses arguments auprès des Vingt-Huit.

 

De nombreuses zones inexplorées

 

Cette découverte risque de relancer l'exploration en Méditerranée orientale - en tout cas lorsque les prix du baril seront remontés. Avant Zohr, les découvertes réalisées dans la région représentaient déjà des réserves récupérables estimées à plus de 1.000 milliards de mètres cubes. L'US Geological Survey a estimé les ressources du bassin du Levant à 3.400 milliards de mètres cubes. De nombreuses zones restent inexplorées, au large du Liban ou de la Syrie, notamment. ENI lui-même, qui détient 100 % du projet Zohr, va sans doute chercher à en céder des parts pour partager les coûts (qui atteindront plusieurs milliards de dollars), conformément à la pratique usuelle dans le secteur. Et ce, d'autant qu'il va devoir réaliser des arbitrages. «  Le groupe a un excellent "track record" en matière d'exploration et ne pourra pas tout financer », souligne Anne Pumir. Le développement des gisements géants découverts au large du Mozambique, où il faut construire toutes les infrastructures nécessaires, pourrait par exemple être encore retardé. Un autre effet collatéral de cette découverte majeure.

 
Anne Feitz, Les Echos