Etat d'urgence: des dizaines de dossiers sur le bureau du Défenseur des droits

4 février 2016 à 17h52 par La rédaction

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Perquisitions, assignations à résidence suivies parfois de licenciements... Depuis la mise en place de l'état d'urgence, des dizaines de réclamations ont atterri sur le bureau du Défenseur des droits Jacques Toubon, qui s'est emparé du sujet, se posant en garant des libertés. Aussitôt après les attentats parisiens du 13 novembre, le gouvernement a décrété l'état d'urgence, autorisant des mesures exceptionnelles. Le Défenseur en a vite vu certaines conséquences: "42 réclamations" reçues en l'espace de cinq semaines, entre le 26 novembre et le 31 décembre, indique l'institution dans son bilan annuel publié jeudi. Ces réclamations sont "principalement liées à des perquisitions (18 saisines) et des assignations à résidence (11 saisines)". Parmi ces dernières, deux ont eu pour conséquence un licenciement. Mais il y a aussi les "dommages collatéraux" de l'état d'urgence: une mère voilée qui se voit refuser l'accès à un collège, des licenciements pour port de barbe, un refus de délivrance de passeport... "Si certaines réclamations ont pu trouver une issue favorable (indemnisation ou aménagement des conditions d'assignation), la plupart sont encore en cours d'instruction", précise l'institution, créée en 2011 pour aider les citoyens à faire valoir leurs droits. En écho, Amnesty International enjoint jeudi les autorités de ne pas reconduire l'état d'urgence, que le gouvernement veut pourtant prolonger pour trois mois après le 26 février. Selon l'ONG, l'état d'urgence "a bouleversé des centaines de vies", causant "toute une série de violations des droits humains" avec "très peu de résultats concrets" en matière antiterroriste. - Près de 80.000 réclamations - Défense des droits de l'enfant, relations avec les services publics ou les professionnels de la sécurité (police, vigiles...), lutte contre les discriminations: les missions du Défenseur des droits sont multiples.  Si l'immense majorité des 79.592 dossiers qu'il reçoit concerne les demandes liées au service public et à l'accès au droit, l'état d'urgence a donné l'occasion à Jacques Toubon, nommé Défenseur des droits en juillet 2014 après le décès de Dominique Baudis, de s'inviter dans le débat.  Fin décembre il sonnait l'alarme, craignant "qu'un glissement s'opère vers un régime d'état permanent de crise caractérisé par une restriction durable de l'exercice des droits et des libertés."  Alors que l'Assemblée nationale entame vendredi l'examen en séance de la réforme constitutionnelle voulue par François Hollande après les attentats, qui prévoit l'inscription de l'état d'urgence dans la Loi fondamentale, le Défenseur des droits redoute que le "droit de tous les jours" ne soit "singulièrement durci". Pour 2016, Jacques Toubon se fixe comme "priorité" d'aider les citoyens à accéder à leurs droits et aux services publics et de lutter contre les discriminations.  Dans son viseur aussi: l'Etat, quand il ne respecte pas ses propres règles. Ainsi, sur la question des migrants, l'ancien garde des Sceaux constate "la grave insuffisance de l'accompagnement social, sanitaire et scolaire, pourtant prévu par la circulaire interministérielle du 26 aout 2012, et de solutions pérennes d'hébergement". Il réclame aussi la mise en oeuvre effective du droit au logement opposable (Dalo), 60.000 ménages reconnus prioritaires attendant toujours un logement. Parmi ses prises de position, Jacques Toubon s'est déclaré favorable à la création d'un mécanisme de recours collectif par des particuliers s'estimant victimes de discriminations. Il avait d'ailleurs soutenu onze plaignants qui attaquaient l'Etat pour des contrôles d'identité jugés abusifs, et réclamé des contrôles mieux encadrés et des garanties contre les abus. Jacques Toubon se targue d'avoir pris des positions qui ont "exercé une influence sur les décisions du gouvernement et du Parlement comme dans le débat public et les médias". Mais les procédures de recours pour faire valoir leurs droits restent "mal connues, assez opaques et insuffisamment utilisées par les citoyens", relève le rapport. En particulier dans quatre domaines: la scolarisation des enfants étrangers, le droit à la retraite, le droit d'asile et l'accès au droit à l'hébergement d'urgence. AFP