"Comment aimer l'autre quand on ne s'aime pas soi-même?"

9 septembre 2015 à 17h09 par La rédaction

RADIO ORIENT

Le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, vient de nommer le préfet Kleber Arhul, coordonnateur national pour l'accueil des migrants. Vaste tâche quand on sait que la France va accueillir dans les deux ans qui viennent 24.000 réfugiés dont 10.000 en urgence.Opération délicate, car il faudra leur apporter très vite les soins nécessaires pour qu'ils ne ratent pas la première marche de l'intégration en France. De nombreuses villes se sont portées candidates pour cet accueil et c'est tout leur honneur mais certaines veulent procéder par tri (quel horrible mot qui rappelle des heures sombres de notre histoire) et ne choisir que des migrants... chrétiens.

 

Est ce bien raisonnable de distinguer ces "naufragés" de la guerre en fonction de nos affinités?Bien sûr, nous souhaitons tous que nos amis chrétiens d'Orient ne soient pas les grands oubliés de l'Histoire contemporaine et beaucoup d'entre nous se sont engagés pour leur survie et pour que le pluralisme culturel et religieux continue d'exister dans le monde, même en terre d'Islam.

 

La France, terre d'asile et des droits de l'Homme doit se souvenir. C'est elle qui accueillit des milliers de juifs, dès le début du 20e siècle, persécutés et victimes de pogroms indignes de Russie et de Europe de l'Est antisémite.

 

La France encore, qui a accueilli dès les années 35, les Républicains espagnols, quand leurs vies étaient en danger, torturés et décimés par le franquisme triomphant. Lors de cet "exil républicain", ils ont trouvé par milliers refuge dans le Sud-Ouest, si proche de leurs terres natales. Leurs enfants occupent aujourd'hui dans notre République des postes de premier plan à l'instar de Manuel Valls ou d'Anne Hidalgo.

La France encore quand tout bascule après la chute de Saïgon le 30 avril 1975 avec la descente aux enfers pour de nombreux Vietnamiens. Près de 200.000 personnes s'enfuient avec les derniers hélicoptères, ou des embarcations de fortune par la mer, en trouvant ainsi l'asile en Europe et particulièrement en France. Chacun garde en mémoire, l'histoire tragique de ces Boat People

La France toujours a été le rocher où s'agripper quand les vagues du tumulte de l'histoire se sont faites oppressantes et dévastatrices pour les exilés et les déplacés du monde entier.

 

Alors, pourquoi la France est-elle tentée aujourd'hui de tourner le dos à cette histoire, à cette filiation? Son opinion publique apeurée la fera-t-elle douter de son récit national et de son rôle dans le monde? La France en crise a-t-elle peur pour son identité?

 

Notre voisine, la puissante Allemagne nous montre pourtant le chemin inverse. Elle nous étonne et son ouverture nous interpelle, nous interroge. Les Allemands ne font aucune distinction entre les réfugiés. Pourquoi l'Allemagne se montre-t-elle si forte, si ouverte et si généreuse? Bien sûr, les causes économiques sont réelles (démographie vieillissante, chômage bas) mais cela n'explique pas tout.

 

Pour moi, la raison de cette ouverture à l'Autre est simple. L'Allemagne est en paix avec elle-même, avec son identité qu'elle sait forte et rayonnante. Elle s'engage dans un pari et aborde le risque comme une opportunité car elle a confiance dans son avenir. En France, la peur de l'Autre n'est-elle pas en définitive le reflet de notre propre incapacité à croire en nos valeurs et en notre destin en omettant de le faire partager aux autres?

  Fadila Mehal/http://www.huffingtonpost.fr/fadila-mehal/