Avant la révision de la Constitution, l'exécutif muscle l'état d'urgence

19 novembre 2015 à 13h13 par La rédaction

RADIO ORIENT
Elargissement des assignations à résidence, dissolution de groupes radicaux: l'exécutif a présenté mercredi les premières mesures d'un projet de loi renforçant l'état d'urgence, décrété depuis vendredi après les attentats de Paris, première étape avant une réforme constitutionnelle espérée dans les trois mois. Comme l'a annoncé le président François Hollande lundi, ce projet de loi, qui sera soumis au vote jeudi à l'Assemblée nationale et vendredi au Sénat en vue d'une adoption définitive, prévoit la prolongation, pour trois mois à compter du 26 novembre (soit jusqu'à fin février), de l'état d'urgence. Les députés socialistes, 15 des 18 écologistes, les radicaux de gauche, mais aussi l'UDI et a priori Les Républicains comptent soutenir ce texte un peu modifié en commission mercredi et qui sera sans doute encore retouché en séance.  "L'état d'urgence, c'est vrai, justifie certaines restrictions temporaires aux libertés. Mais y recourir, c'est nous donner tous les moyens de rétablir ces libertés pleinement", a plaidé le chef de l'Etat, défendant un texte qui "clarifiera" et "précisera" cette procédure "exceptionnelle" datant d'une loi de 1955. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a insisté en commission sur "les résultats importants" permis par l'état d'urgence actuel depuis dimanche: 63 interpellations, 413 perquisitions, 72 armes saisies, 118 assignations à résidence. Première mesure principale: le régime des assignations à résidence de personnes dangereuses est élargi à toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public. Il n'est pas exclu que soit ajouté jeudi le port d'un bracelet électronique ou allongée la durée de l'assignation au domicile, changements souhaités par Les Républicains. Jusqu'à présent, la loi prévoyait, pendant l'état d'urgence, la possibilité d'assigner à résidence une personne "dont l'activité s'avère dangereuse" pour l'ordre public. - Réforme de la Constitution d'ici trois mois- Le texte intègre dans l'état d'urgence la dissolution de groupes et associations extrémistes participant à des actes portant une atteinte grave à l'ordre public, les facilitant ou y incitant. François Hollande a promis d'agir vite, alors que se multiplient les appels à fermer mosquées et lieux de prières radicalisés, ainsi qu'à expulser les imams étrangers extrémistes. Le Parlement sera informé sans délai des mesures prises par le gouvernement pendant l'état d'urgence, stipule un amendement voté à l'initiative du rapporteur, Jean-Jacques Urvoas (PS). S'il durcit globalement l'état d'urgence, le texte introduit quelques garde-fous.  Aucune perquisition ne pourra viser les locaux "affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire" ou les bureaux des avocats, magistrats et journalistes. Le procureur de la République devra être informé de toute perquisition. La découverte d'une infraction lors de la perquisition administrative donnera lieu à l'ouverture immédiate d'une procédure judiciaire. Et un juge, et non plus une commission administrative, pourra être saisi par une personne contestant son placement en résidence surveillée.  Le projet de loi supprime la possibilité de mesures pour contrôler la presse et les publications de toute nature, ainsi que les émissions radiophoniques, les projections cinématographiques et les représentations théâtrales.  Ce choix a provoqué un long débat en commission à l'Assemblée. Au motif notamment que "la pulsion du direct" peut conduire à diffuser des informations néfastes pour les Français et forces de l'ordre, certains députés PS auraient souhaité rétablir cette possibilité, des PRG et LR désirant permettre un contrôle de médias. Mais d'autres socialistes et les écologistes refusaient le maintien d'un tel outil de "censure". L'amendement PS a été retiré, les autres rejetés. Ce texte préparé en moins de 72 heures se veut la première étape de la réponse pénale de l'exécutif, avant une révision de la Constitution pour y inscrire un "régime civil d'état de crise" qui "modernise" l'état d'urgence. Cette révision est aussi nécessaire, selon Matignon, pour permettre deux mesures qui risqueraient sinon d'être censurées: la déchéance de nationalité de binationaux nés Français et la mise en place d'un système de "visas de retour" pour les jihadistes français revenant de Syrie ou d'Irak.  Le gouvernement veut que cette réforme constitutionnelle soit finalisée avant le terme prévu de l'état d'urgence fin février. Une telle révision passe par un vote favorable à la majorité des 3/5e du Congrès, nécessitant l'appui d'au moins une partie de l'opposition. "C'est à la fois possible juridiquement et politiquement", assure un ministre. Suivra de toute façon un important travail législatif pour toutes les mesures pas dans la Constitution, prévient-on au gouvernement.