20e rapport de la Fondation Abbé Pierre: un constat "douloureux" sur le mal-logement

4 février 2015 à 12h25 par La rédaction

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Des centaines de milliers de ménages "aux portes du logement", une situation qui s'aggrave et des dispositifs d'aides défaillants et saturés: la Fondation Abbé Pierre fait un constat "douloureux" du mal-logement en France, dans son 20e rapport annuel rendu public mardi.

 

Revenant sur 20 ans de politique du logement, ce rapport, présenté à Paris en présence de 2.000 personnes dont la ministre du Logement Sylvia Pinel, note que la crise frappe toujours aussi violemment les familles et laisse à la rue de plus en plus de gens.

 

Les chiffres en attestent: près de dix millions de personnes sont en situation de fragilité par rapport au logement, dont 3,5 millions mal-logés au sens strict (sans domicile, en chambre d'hôtel, en camping, dans des abris de fortune, des logements insalubres ou dans des conditions de logement très difficiles).

 

Les expulsions n'ont pas fléchi. En 2013, 120.000 décisions d'expulsion pour impayés ont été rendues. Zahra, 52 ans, est dans ce cas, menacée d'être expulsée d'un deux-pièces de 55 m2 qu'elle occupe avec ses quatre enfants pour des loyers impayés depuis un an et demi. Cette illustratrice-plasticienne indépendante "n'arrive plus à joindre les deux bouts", depuis que son ex-mari, qui versait une pension alimentaire mensuelle de 2.700 euros, est brutalement décédé. "C'est la chute libre", dit-elle, en sursis jusqu'à la fin de la trêve hivernale.

 

La situation s'est aggravée également pour les plus exclus: le nombre des SDF a augmenté de 50% en dix ans, pour atteindre 141.500 personnes en 2012. Et les profils se sont diversifiés: outre les familles, dont le nombre a bondi, on retrouve de plus en plus de jeunes à la rue, des demandeurs d'asiles, et des malades psychiatriques.

 

"Les dispositifs d'aide ne sont plus adaptés et se sont engorgés", a expliqué Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation. Ainsi 1,8 million de ménages sont en attente d'un logement social, alors que seulement 450.000 sont attribués chaque année.

 

 
- 'Réduire les nuitées hôtelières' -
 

 

De même, sur 355.000 demandes d'hébergement pour SDF formulées durant l'hiver 2013-2014, seulement 140.000 places ont été attribuées. Et les familles sans domicile, en priorité hébergées à l'hôtel, notamment en Ile-de-France, se retrouvent aussi à la rue, car le dispositif, très coûteux, arrive à saturation.

 

Une situation reconnue par la ministre du Logement, qui a annoncé mardi "un plan de réduction des nuitées hôtelières", pour créer "13.000 places de solutions plus pérennes" pour ces familles, via une réorientation des crédits.

 

Avec la crise, "les gens ont du mal à sortir des dispositifs d'aide, il n'y a plus de mobilité", explique Manuel Domergue. Résultat, certaines personnes renoncent à demander de l'aide, préférant rester dans un logement insalubre ou dormir dans la rue plutôt que d'appeler chaque soir le 115.

 

"C'est un constat douloureux", dit le délégué général de la Fondation, Christophe Robert. "Les outils étaient calibrés en 1990, mais ça ne suit plus, en raison de la massification de la précarité". Il appelle notamment à construire davantage de logements "à bas coût" et de logements sociaux, à sanctionner davantage les communes qui ne le font pas, et à "faire baisser le prix des logements du secteur privé".

 

Plusieurs textes ont tenté d'améliorer la situation, comme la loi SRU obligeant les communes à produire du logement social ou la loi Dalo obligeant l'Etat à reloger les plus démunis, mais de nombreux "blocages" subsistent: une "crise du logement sous-estimée", des "politiques sociales du logement freinées par la rigueur", mais aussi "par l'idéologie" qui consiste à "accompagner le marché" plutôt que de le réguler. Sans compter "une politique territoriale défaillante" et "le poids des lobbies" de l'immobilier, insiste-t-il.

 

Selon lui, 2014 a été l'année de "renoncements profonds," avec le "détricotage de la loi Alur", notamment sur l'encadrement et la garantie universelle des loyers, qui ont été restreints. "J'appelle à regarder la France telle qu'elle est, à regarder en face ceux qui souffrent", a-t-il dit, demandant une "réponse plus sociale" à la crise du logement.

 

AFP