Radicalisation: les arts martiaux sous haute surveillance

21 novembre 2015 à 19h23 par La rédaction

RADIO ORIENT
Comment m'entraîner pour le jihad? En quelques clics sur internet, le programme est détaillé: "La base c'est l'entraînement physique", complété par l'adhésion "vitale" à un club d'arts martiaux, pour acquérir "autodiscipline et self contrôle". Des conseils qui inquiètent les responsables de ces disciplines en France. C'est terrorisme.net, un site d'information sur le terrorisme produit par un cabinet suisse d'analyse stratégique, qui reproduit in extenso ce manuel du parfait jihadiste publié initialement en anglais sur Azzam.com, un site radical musulman fermé depuis 2002 et traduit depuis sur plusieurs sites radicaux en langue française. Boxe thaï, jiu-jitsu, kick boxing, MMA, full contact et dans une moindre mesure judo ou karaté: les sports de combat, de contact ou arts martiaux sont "tout sauf anodins", estime le président de la Fédération française de judo Jean-Luc Rougé. "Ils peuvent attirer des aspirants au jihad qui veulent et doivent s'entraîner", craint-il en pointant en particulier du doigt les disciplines "confidentielles, celles où les professeurs sont de simples bénévoles". Dans l'Essonne en région parisienne, au coeur d'une cité sensible, un club d'arts martiaux organise des stages en forêt, par petits groupes de volontaires. Dans quel but? Quelle plus-value par rapport au travail en salle? Les enseignants bottent en touche. - 'Implorer Allah chaque minute' - Au delà de l'intérêt opérationnel de pratiquer un art martial ou un sport de combat, ces disciplines ont des caractéristiques sociologiques qui les rendent vulnérables. Sports peu chers à pratiquer, très répandus dans les quartiers dit sensibles, populaires auprès de jeunes en échec scolaire, ils attirent un public sans doute plus perméable à la radicalisation. "Il y a beaucoup de gens, de jeunes, fragiles dans les clubs. Ils trouvent là une famille, un repère, comblent un vide familial ou scolaire", raconte le patron d'un club de MMA situé en toute proche banlieue parisienne, qui dit compter plus de 80% de musulmans parmi ses élèves. "J'ai vu des gens tenter de +recruter+ ce genre de profil, j'ai protégé des jeunes de ces situations. J'en ai vu aussi s'éloigner de plus en plus, implorer Allah chaque minute et finalement refuser de combattre des musulmans", poursuit-il. Contraint d'établir ses propres règles, cet entraîneur a fini par prendre l'habitude de rester habillé sous la douche et il autorise les prières, dans la limite du raisonnable. "Quand un gars me demande mon bureau pour prier seul, ok. Si c'est un effet de groupe, non."  Des prières de groupe improvisées dans un vestiaire, un couloir, il y en a parfois lors des soirées de grappling et pancrace, cousins du MMA. Il y a aussi pas mal de femmes voilées... sur les rings. "Il y a quelques années, lors des championnats de France, une fille m'a demandé à garder son voile pour combattre", raconte un officiel: "Elle était très... entourée disons. Je n'ai pas osé dire non, pour ne pas provoquer d'esclandre avec ses frères". Bizarrement, certaines pratiques de ces disciplines ne posent aucun problème. Ainsi, par sécurité, les combattants sont méticuleusement palpés avant chaque combat. Et le réservoir arbitral ne permet pas toujours d'affecter une femme à une femme et un homme à un homme. "Ca, ça ne pose aucun problème", s'étonne le même officiel. Après les jeux Olympiques de Londres en 2012, où une Saoudienne avait été autorisée à monter sur le tatami la tête couverte d'un bonnet de bain, le judo français a reçu les candidatures de nombreuses femmes désirant s'entraîner voilées. Des velléités que la fédération et les clubs ont vite douchées. "Quand vous êtes au cours", reprend sur internet le manuel d'entraînement au jihadisme, "gardez vos opinions pour vous, ne discutez et ne débattez de vos idées avec personne. Vous y allez pour vous entraîner pour le jihad, et non pas pour appeler les gens à l'Islam." AFP