A Sciences Po, Manuel Valls enterre le droit de vote des étrangers
5 novembre 2015 à 14h30 par La rédaction
Il est près de 19 h 15, mardi 3 novembre, quand enfin le débat s'anime entre Manuel Valls et les étudiants de Sciences Po. Depuis plus d'une heure, le chef du gouvernement, invité par l'école parisienne à plancher sur le thème de la réforme, déroule un discours convenu et sans aspérités. Il rappelle que « laFrance est un grand pays » avec « ses paysages, ses reliefs et son climat tempéré », mais qu'elle souffre d'une « perte de confiance profonde » liée à la « crise économique, sociale et démocratique », mais aussi à une « crise d'identité » et « de l'autorité ». Des formules déjà plusieurs fois entendues ces derniers mois.
M. Valls qui, après sa nomination à Matignon en mars 2014, s'était inquiété que « la langue politique [soit] devenue une langue morte », ne fait rien pour la ressusciter. Le gouvernement, selon lui, « assume les responsabilités », fait « le choix du progrès et de la réforme », affronte le « défi terroriste », le « défi climatique » ou celui de « la lutte contre les inégalités », dans un « monde globalisé » où « les réseaux sociaux accélèrent le temps » L'ambiance est cordiale, la salle écoute poliment, mais les 400 étudiants somnolent légèrement dans la chaleur de l'amphithéâtre Boutmy.
« M. Valls, vous êtes-vous assagi ? »
Jusqu'à ce que l'un d'entre eux réveille l'auditoire en posant la question qui est sur les lèvres de tous les observateurs du monde politique depuis la rentrée. « M. Valls, on vous a connu briseur de tabous, on a connu un Manuel Valls qui voulait changer le nom du PS, qui voulait un blairisme à la française, vous êtes-vous assagi ? Vous semblezavoir perdu de votre fougue réformatrice, alors n'êtes-vous pas un peu frustré, voire bloqué par François Hollande ? », demande Benjamin, élève en 4e année.
Piqué au vif, le premier ministre retrouve alors ses accents vallsiens. Reconnaissant « avancer avec des compromis parce qu'on ne peut pas gouverner à la schlague », il affirme néanmoins « n'avoir pas perdu [sa] force de conviction et [sa] volonté de changer les choses ». A l'écouter, s'il a moins besoin que par le passé de faire des coups d'éclat, c'est parce que sa ligne s'est imposée à gauche. Plus besoin d'être transgressif puisqu'il serait devenu majoritaire. En somme, ce n'est pas Valls qui se serait« hollandisé », mais plutôt le chef de l'Etat et l'ensemble des socialistes qui se sont « vallsisés ».
« Sur la sécurité, j'ai fait évoluer profondément la gauche, il n'y a plus de débat, je n'ai pas besoin d'être frondeur ou à part », explique M. Valls. Idem sur la laïcité où son« message » est désormais « la ligne politique majoritaire au sein de la gauche », ou sur la compétitivité économique et la baisse des charges aux entreprises, deux thèmes qu'il « port [ait] déjà dans [son] discours durant la primaire de 2011 ». Répétant à quatre reprises qu'il ne se sent « absolument pas frustré », M. Valls jure au contraire être« plutôt bien dans [ses] baskets ». « Là où je suis, avec la confiance du président et de la majorité, j'avance et je suis utile à mon pays », assure-t-il.
Le premier ministre termine en évoquant le vote des étrangers, promesse de 2012 non tenue. A ses yeux, non seulement cette réforme « ne peut pas se faire » faute d'une« majorité qualifiée », mais elle n'est « plus une priorité » car « le vrai sujet » est de « renouer avec la naturalisation », ajoutant qu'il est « convaincu qu'elle ne sera pas proposée à la prochaine présidentielle ». « Il ne faut pas courir derrière des totems », conclut M. Valls, redevenu briseur de tabous l'espace d'un instant.
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