Trois jours de deuil national en Turquie après lâ??attentat le plus meurtrier de son histoire

12 octobre 2015 à 12h47 par La rédaction

RADIO ORIENT
Comment organiser le deuil d'un pays ? Alors que la Turquie a commencé dimanche 11 octobre à enterrer les victimes de l'attentat le plus meurtrier de son histoire, le pays continue de se mobiliser pour montrer sa solidarité avec les victimes. Samedi, deux explosions ont fait au moins 97 morts et 507 blessés lors d'une manifestation pour la paix organisée par l'opposition prokurde, à trois semaines des élections législatives anticipées. Selon le Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde, gauche), formation qui avait appelé à la manifestation, le bilan samedi soir était de 128 morts. Une manifestation en hommage aux victimes Alors que commençaient les trois jours de deuil national décrétés par le gouvernement, plus de 10 000 personnes se sont retrouvées dimanche matin sur une place d'Ankara proche du site de l'attentat pour rendre hommage aux victimes du double attentat-suicide. Réunis à l'appel des syndicats, associations et partis politiques proches de la gauche et de la cause kurde qui avaient appelé au rassemblement pour la paix de la veille, les manifestants ont largement conspué M. Erdogan et son gouvernement, accusés de ne pas avoir, délibérément, assuré la sécurité du rassemblement de samedi. « Erdogan meurtrier ! », « l'Etat rendra des comptes ! », ont-ils scandé, encerclés par les forces de l'ordre. Accusations mutuelles Depuis l'attentat, le HDP a explicitement mis en cause le pouvoir. « Nous sommes confrontés à un Etat meurtrier qui s'est transformé en mafia », a déclaré samedi le chef de file du parti, Selahattin Demirtas. Durant l'été, deux meetings du HDP avaient déjà fait l'objet d'attaques meurtrières : à Diyarbakir, le 5 juin, puis à Suruç, près de la frontière syrienne, le 20 juillet. De son côté, le gouvernement islamo-conservateur turc affirme que cet attentat a été « perpétré par deux kamikazes ». En l'absence de revendication, le chef du gouvernement a pointé du doigt trois mouvements susceptibles, selon lui, d'en être l'auteur : le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), l'organisation Etat islamique (EI) et le Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C) d'extrême gauche. Le gouvernement croit y lire notamment une stratégie de victimisation des partis prokurdes à des fins électorales. Les élections législatives maintenues Malgré ces violences, la Turquie devrait maintenir ses élections législatives, prévues pour le 1er novembre, a annoncé dimanche un responsable gouvernemental. « En raison des risques accrus, la sécurité aux meetings électoraux, qui a déjà été augmentée, sera encore renforcée. L'élection se tiendra en toute sécurité. » Mais l'attentat risque d'en bouleverser l'équilibre. Lors du précédent scrutin législatif du 7 juin, l'AKP avait perdu la majorité absolue qu'il détenait depuis treize ans au Parlement, notamment en raison du bon score réalisé par le HDP, deux jours après un attentat contre un meeting organisé par le parti prokurde. Après l'échec des négociations pour la formation d'un gouvernement de coalition, M. Erdogan avait convoqué des élections législatives anticipées, espérant pouvoir reprendre le contrôle grâce à un bon score de son parti. Raids aériens sur le PKK La Turquie, Etat membre de l'OTAN, vit en alerte renforcée depuis que le président, Recep Tayyip Erdogan, a déclenché il y a trois mois un « combat synchronisé contre le terrorisme », contre l'organisation Etat islamique en Syrie et contre des bases arrière du PKK dans le nord de l'Irak, s'exposant à un double front. Les rebelles du PKK ont toutefois annoncé samedi, quelques heures après l'attentat d'Ankara, la suspension de leurs opérations avant les élections. « Nous ne ferons rien qui puisse empêcher une élection équitable », ont-ils indiqué. Malgré cette trêve, l'armée turque a rapporté avoir bombardé, samedi et dimanche, des cibles du PKK dans la province de Diyarbakir, en Turquie et dans le nord de l'Irak. Un haut responsable turc a confié à Reuters : « Le cessez-le-feu du PKK ne veut rien dire pour nous. Les opérations vont se poursuivre sans interruption. » Le Monde