Les musulmans de France appelés à se démarquer des jihadistes

9 janvier 2015 à 13h05 par La rédaction

RADIO ORIENT

La communauté musulmane française devait rendre un hommage appuyé aux victimes de l'attentat de Charlie Hebdo lors de la grande prière hebdomadaire du vendredi, pour se démarquer des jihadistes accusés d'avoir mené l'attaque sanglante au nom de l'islam.

 

Les représentants de cette communauté forte en France de quelque 3,5 à 5 millions de membres ont appelé les imams des plus de 2.300 mosquées du pays à "condamner avec la plus grande fermeté la violence et le terrorisme" dans leurs prêches vendredi.

 

A Montpellier (sud), le texte du prêche devrait même être commun à tous les imams.

"La communauté musulmane est particulièrement choquée et ébranlée", a dit le président du Conseil français du culte musulman Dalil Boubakeur, après le massacre dont sont accusés deux frères d'origine algérienne, cernés par la police vendredi dans une petite localité au nord-est de Paris.

 

Le CFCM, instance représentative de l'islam de France, et l'UOIF (organisme proche des Frères musulmans) ont également mis en sourdine leurs divergences pour appeler "les citoyens de confession musulmane à rejoindre massivement" la grande marche républicaine prévue dimanche.

 

A l'émotion et la colère des responsables religieux s'ajoute la crainte que l'attaque de Charlie Hebdo ne provoque une résurgence des actions visant les musulmans.

 

Le Premier ministre Manuel Valls a tenu à souligner vendredi que la France était "dans une guerre contre le terrorisme", pas "contre une religion".

 

Depuis mercredi, des lieux de culte ont été visés par des tirs d'armes à feu ou d'autres projectiles dans plusieurs villes de France, sans faire de victime.

 

A Poitiers (centre-ouest), un suspect a été interpellé après avoir inscrit "Mort aux Arabes" sur le grand portail de la mosquée mais a confessé avoir agi sous l'emprise de l'alcool, "bouleversé" par l'attentat contre Charlie Hebdo.

 

Vendredi matin, une tête de porc et des viscères ont été découverts, accrochés à la porte d'une salle de prière musulmane, à Corte en Corse, selon la gendarmerie.

 

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, avait condamné jeudi soir toute "violence" ou "profanation" visant des lieux de culte et souligné que "les auteurs de tels actes doivent savoir qu'ils seront eux aussi recherchés, arrêtés et punis".

 

- 'Pris dans un piège' -

 

"J'ai peur que ces actes s'amplifient dans les jours à venir. On demande (au ministère de) l'Intérieur d'assurer la sécurité", a commenté le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie au CFCM, Abdallah Zekri.

 

"Les musulmans sont pris dans un piège, entre ceux qui tuent au nom de l'islam et des extrémistes qui veulent se défouler sur les musulmans et déversent sur eux leurs discours stigmatisants", souligne-t-il.

 

Faire l'amalgame serait entrer dans le jeu même des agresseurs, mettent en garde les responsables musulmans.

 

Pour le chanteur du groupe français de musique Zebda, Mouss (alias Mustapha Amokrane), "être musulman, aujourd'hui dans ce pays, c'est être entre le marteau et l'enclume: entre ces gens-là qui massacrent au nom de leur religion et le racisme antimusulman grandissant qui fait vendre des livres par kilos", dit-il.

 

Fateh Kimouche, influent acteur de la blogosphère islamique, relève pour sa part que "nombre de médias nous disent que les musulmans doivent parler plus".

 

"Mais on se mobilise tout le temps!" s'exclame le fondateur du site Al Kanz, destiné à la communauté musulmane de France. "Je rappelle que les musulmans aussi sont touchés: le policier tué à bout portant (devant Charlie Hebdo) s'appelait Ahmed Merabet. Nous ne sommes pas épargnés", souligne-t-il.

 

Pour l'historien Benjamin Stora, l'amalgame est une blessure pour tous ceux qui ont traversé la guerre civile en Algérie, dans les années 1990, marquée par "l'apparition d'un courant relevant d'un islam politique extrêmement violent".

 

"Quand on dit +les musulmans+, on oublie qu'il y a des gens qui ont déjà vécu cette épreuve de l'assassinat de l'intelligence", explique-t-il à l'AFP, en rappelant qu'à l'époque les journalistes et les caricaturistes algériens étaient une cible privilégiée des intégristes.

 

AFP