Le Yémen bouscule l'agenda du sommet arabe sur une force multinationale

26 mars 2015 à 16h53 par La rédaction

RADIO ORIENT

Le Yémen va servir de facto de laboratoire à une force militaire conjointe dont le projet de création, initialement proposé pour combattre la menace jihadiste, promettait des débats animés au sommet de la Ligue arabe prévu samedi en Egypte.

 

Jusqu'à l'intervention conduite jeudi par l'Arabie saoudite contre les rebelles chiites Houthis, avec la participation de "10 pays" selon Ryad, le projet était présenté par la Ligue comme celui d'une force destinée à "combattre les groupes terroristes", en réalité l'Etat islamique (EI).

 

Mais les experts n'accordaient que peu de chance à cette force conjointe armée de voir le jour rapidement, en raison des divisions entre les Etats arabes.

 

Contrairement aux pronostics, ce n'est donc pas le groupe jihadiste sunnite, multipliant les atrocités en Irak et en Syrie et gagnant du terrain en Libye et dans le Sinaï égyptien, qui précipitera l'agenda de l'organisation panarabe ce weekend.

 

C'est plutôt le risque de voir le grand ennemi chiite iranien, principal soutien des Houthis, d'étendre son influence dans la région jusqu'au détroit stratégique de Bab al-Mandab au sud-ouest du Yémen, qui va peut-être entériner la création d'une force militaire conjointe jusqu'alors improbable entre pays dominés par les sunnites.

 

Le besoin d'une force commune avait été défini comme "pressant" par la Ligue arabe qui en faisait le projet phare de son sommet samedi et dimanche dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh. L'Egypte --qui dispose de l'armée la plus nombreuse et parmi les mieux armées du monde arabe-- se présente comme le fer de lance de cette exigence, en pressant toutefois sur la Libye voisine comme terrain d'essai, où l'EI menace sa frontière occidentale.

 

-L'Iran transcende les divisions-

 

Mais des obstacles persistants --notamment les éternelles dissensions entre les 22 membres de la Ligue-- risquaient de tuer dans l'oeuf cette initiative, estimaient des experts. Le spectre iranien au Yémen pourrait bien aider samedi et dimanche à transcender ces divisions.

 

Depuis qu'il a envoyé ses avions de combat bombarder en février les positions de l'EI en Libye pour venger la décapitation d'Egyptiens coptes, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi est le chef d'Etat qui pousse le plus pour une force arabe unie contre le groupe jihadiste.

 

L'ex-chef de l'armée, élu après avoir destitué l'islamiste Mohamed Morsi en 2013 et réprimé dans le sang les Frères musulmans qui inquiètent aussi les monarchies du Golfe, présidera le sommet arabe de Charm el-Cheikh.

 

Le Yémen et l'intervention arabe seront le point focal des débats, mais l'éternel conflit israélo-palestinien, la progression de l'EI en Syrie, Irak et Libye sont aussi au menu.

 

Si la nécessité d'une force arabe semble ne plus faire débat après l'intervention au Yémen, il n'en va pas forcément de même pour ses objectifs.

 

Oraib al-Rentawi, directeur du centre Al-Qods pour les études politiques, estime que la priorité de l'Arabie saoudite reste de "faire face à l'influence grandissante de l'Iran dans la région", tandis que l'Egypte et la Jordanie veulent "lutter contre le terrorisme".

 

Mais l'Iran, qui est partie prenante du conflit en Syrie et gagne en influence en Irak et au Yémen, pourrait être agacé par une telle force", explique Mohamed al-Zayat, du Centre national pour les études du Moyen-orient.

 

Sa composition également reste floue. "Les Emirats et l'Arabie pourraient fournir des avions", estime Aaron Reese, de l'Institute for the study of war basé à Washington, précisant que "les Jordaniens sont réputés pour leurs forces spéciales" et "les Egyptiens, bien sûr, ont l'effectif le plus important et des bases proches de la Libye".

 

"L'armée égyptienne formerait la colonne vertébrale de cette force arabe", renchérit Mathieu Guidère, professeur de géopolitique arabe à l'université de Toulouse (France), soulignant les récentes acquisitions du Caire en matière d'armement, notamment l'achat d'avions Rafale à la France.

 

Outre le Yémen, la question de cette force arabe est cruciale car la coalition internationale anti-jihadiste menée par les Etats-Unis se contente de bombarder l'EI en Irak et en Syrie depuis les airs quand les experts estiment qu'il faudrait occuper le terrain en combattant au sol pour l'emporter.

 

M. Guidère estiment que les Occidentaux pourraient voir d'un bon oeil l'initiative puisque "c'est la seule chance de mettre en place une force qui fasse le travail à leur place."

 

AFP