"Humanité" contre "fermeté", la réforme de l'asile de nouveau votée par l'Assemblée

26 juin 2015 à 14h11 par La rédaction

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L'Assemblée nationale a de nouveau voté jeudi la réforme de l'asile, qui a opposé frontalement les socialistes et Les Républicains, entre "humanité et dignité" pour les uns, "tri" et "fermeté" pour les autres, sur ce sujet brûlant en Europe.

 

Ce projet de loi de réforme du droit d'asile doit permettre de "traiter dans le respect, l'humanité et la dignité des femmes et des hommes que nous ne considérons pas comme des fuites d'eau, mais bien comme nos égaux", a d'emblée lancé la rapporteure, Sandrine Mazetier (PS), en référence à la comparaison récente par le président du parti Les Républicains, Nicolas Sarkozy, entre l'afflux de migrants en Europe et une grosse fuite d'eau.

 

Seul représentant du principal groupe d'opposition, Thierry Mariani a dénoncé "l'aveuglement idéologique" de la majorité et plaidé pour un "tri" entre "les vrais demandeurs d'asile, ceux réellement persécutés, et ceux qui cherchent une meilleure vie" en Europe et relèvent de l'immigration économique irrégulière.

 

Les députés, seulement une dizaine dans l'hémicycle en ce jeudi, s'exprimaient au moment où se tenait à Bruxelles un sommet européen sur la crise migratoire. Plus de 100.000 personnes sont clandestinement entrées dans l'UE depuis début 2015.

 

Le projet de loi français de réforme du droit d'asile, qui transpose des directives européennes, vise à réduire à neuf mois (contre deux ans actuellement) le délai de réponse à une demande d'asile, et prévoit l'amélioration des conditions d'accueil des demandeurs.

 

A l'appui, le gouvernement a annoncé mi-juin de nouveaux recrutements notamment à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Face à la multiplication de campements sauvages de migrants, 4.000 places d'hébergement supplémentaires ont aussi été prévues pour les demandeurs d'asile d'ici courant 2016.

 

Le secrétaire d'Etat André Vallini a défendu une "exigence d'hospitalité, que l'on doit en France, plus qu'ailleurs, à tous les persécutés".

 
- 'Gestion des flux migratoires' en Europe -

 

La réforme du droit d'asile est "indispensable si la France veut se montrer capable de participer efficacement à la gestion des flux migratoires" en Europe, a-t-il aussi plaidé. De façon générale, la politique migratoire du gouvernement a été dénoncée ces dernières semaines par une partie de la gauche et des écologistes pour sa sévérité.

 

Comme en première lecture en décembre, le texte sur l'asile a été approuvé jeudi par les socialistes, les radicaux de gauche et l'UDI. Les Républicains ont voté contre, tandis que les écologistes et le Front de gauche se sont abstenus, le jugeant peu ambitieux.

 

En mai, les sénateurs avaient durci les mesures contre l'avis du gouvernement, en décidant notamment qu'une décision définitive de rejet de demande d'asile par l'Ofpra devait valoir obligation de quitter le territoire français. Les députés ont supprimé cette disposition en commission la semaine dernière et ont repoussé jeudi la nouvelle charge de la droite.

 

Mme Mazetier a critiqué ces ajouts sénatoriaux, relevant selon elle d'une "volonté d'alimenter amalgame et stigmatisation".

 

Mais, a rappelé M. Mariani en s'appuyant sur un pré-rapport de la Cour des comptes, seuls 1% des déboutés sont effectivement éloignés, ce qui fait selon lui de la procédure de l'asile "la principale fabrique de sans-papiers". Ce président de la commission des migrations au Conseil de l'Europe voit même dans le projet gouvernemental "un signal d'encouragement pour les filières clandestines".

 

Dans un contexte de crises internationales multiples, les demandes d'asile ont quasiment doublé depuis 2007, atteignant 66.000 en 2013 puis près de 65.000 en 2014. La France est le 4e pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe derrière l'Allemagne, la Suède et l'Italie.

 

Au passage, M. Mariani a suggéré que l'Union européenne rachète les navires de guerre Mistral, qui sont "aussi des bateaux-hôpitaux", pour les utiliser en Méditerranée, à défaut d'être vendus par la France à la Russie.

 

La réforme de l'asile doit repasser par le Sénat, en principe le 7 juillet, avant son adoption définitive à l'Assemblée avant fin juillet. Dès la semaine prochaine, les députés se pencheront en commission sur un texte non moins sensible, le projet de loi sur le droit des étrangers en France, nouvelle occasion pour la majorité de pousser le curseur à gauche.

 

AFP