Algérie - La mort d'Ebossé, révélateur tragique d'une violence ordinaire

25 août 2014 à 18h52 par La rédaction

RADIO ORIENT

La mort de l'attaquant camerounais de la JS Kabylie, Albert Ebossé, touché samedi 23 août par un projectile lancé des tribunes, est le révélateur tragique d'une violence ordinaire qui gangrène depuis des années le football algérien, un des plus prestigieux de l'Afrique et du monde arabe.

 

Le jeune footballeur est mort samedi juste après son arrivée à l'hôpital de Tizi-Ouzou, principale ville de Kabylie, des suites d'un "traumatisme cervical violent", selon le professeur Abbas Ziri, directeur de l'établissement. Sa dépouille doit être transférée dans les prochains jours vers Douala, où vit sa famille, après avoir été transportée dimanche à Alger.

 

La fin tragique du meilleur buteur du championnat d'Algérie la saison dernière (17 buts) après un match perdu à domicile par la JSK a fait oublier la belle prestation de l'équipe nationale au Mondial brésilien, marquant le retour à une réalité bien moins réjouissante.

 

"Cette tragédie n'a surpris personne" car "depuis des années la violence s'est installée dans les stades et se propage parfois dans les rues, introduisant un climat de peur et d'insécurité dans nos cités", observe le quotidien El Watan qui voit dans cette situation un syndrome post guerre civile des années 90.

 

Les islamistes ont "entraîné la jeunesse algérienne dans l'épouvante et l'horreur" et "le pouvoir ne veut pas la heurter de front tant qu'elle le laisse piller tranquillement les richesses du pays", analyse le journal.

 

La mort d'Ebossé qui entamait sa deuxième saison sous les couleurs de la JSK, le club le plus titré du pays, n'a pas surpris non plus le quotidien Liberté. "Cela aurait pu être pire" et "aurait pu se passer dans n'importe quel stade algérien" tant "la violence est générale et systématique".

 

L'incivisme, le banditisme, la délinquance routière ont pris ces dernières années des proportions alarmantes dans ce pays de près de 40 millions d'habitants, jeunes en majorité, et où "le seul souci de l'Etat est d'éviter que cette jeunesse fasse de la politique, qu'elle s'exprime dans la rue contre sa politique", déplore le quotidien.

 

"La répression ne fonctionne que pour les oppositions politiques" mais "est un échec quand il s'agit d'assurer le minimum du fonctionnement de la vie en cité", abonde Le Quotidien d'Oran.

 

Pour le psychiatre Mahmoud Boudarène, la mort d'Ebossé sous une pluie de projectiles lancés par des supporteurs mécontents est un "meurtre collectif" dans un pays où la violence "est devenue ordinaire " nourrie par "la misère, le chômage, le manque de loisirs, la hogra (abus de pouvoir) et l'injustice sociale" et par un pouvoir "qui a usé de la brutalité pour réprimer toute manifestation politique ou sociale".

 

Demandant des "excuses" à "l'invité" Ebossé, El Khabar estime que l'Algérie "n'est pas qualifiée pour abriter la Coupe d'Afrique des Nations 2017" pour laquelle elle veut se porter candidate après la défection de la Libye. "Comment pourrions-nous protéger des milliers d'invités si la Confédération africaine de football confiait à l'Algérie l'organisation de cet évènement?" se demande le journal.

 

La Ligue de football professionnel, réunie lundi en session extraordinaire, devait essayer de tirer les premiers enseignements de la tragédie. Elle devait notamment entendre les dirigeants de la JSK et de l'USM Alger ainsi que les arbitres de la rencontre entre les deux équipes.

 

Dès dimanche soir, la fédération nationale a décidé d'annuler tous les matchs des championnats d'Algérie professionnel et amateur, prévus les vendredi et samedi.

Prochainement, elle va "étudier d'autres mesures plus coercitives qui peuvent entraîner l'exclusion du club fautif de toute compétition", selon un communiqué.

 

Sur les réseaux sociaux, les Algériens restaient nombreux à exprimer un sentiment de culpabilité et de honte, certains allant jusqu'à demander l'arrêt du championnat, ou au moins d'organiser son boycott.

 

 

AFP